jeudi 22 novembre 2018

Notre tout premier coup de coeur au Kérala : avoir passé la nuit dans un houseboat loin de tout port d'amarage

Aller au "pays des cocotiers" (signification du mot Kerala en malayalam) et dormir sur un house boat reste le rêve de millions de touristes séduits par la nature généreuse et variée offerte par le vaste réseau de backwaters compris entre Alappuzha (Alleppey) et Kochi (Cochin). Le littoral du Kerala est bordé par une côte basse et sablonneuse, doublé par un cordon de lagunes et de lacs, résultant de la rencontre entre les vagues de la mer d’Oman et l’embouchure d’une multitude de fleuves côtiers descendant des Ghâts occidentaux. Les backwaters correspondent à un ensemble complexe de canaux nés de la main de l'homme,  de lagunes, de lacs alimentés par des fleuves et rivières ou eau douce et eau de mer se mélange. Ce dédale de verdure souvent appelée la "Venise verte d'Orient", se retrouve façonné par l'homme qui y construisit des digues, chemins et routes fluviales pour le transport des marchandises, des récoltes. Pour réussir notre immersion dans cette exubérance des paysages tropicaux en suivant les canaux frangés de cocotiers, nous avons choisi un kettuvalam, reflet d'un mode de navigation ancestral. Les backwaters offrent une opportunité sans commune mesure d'accéder à une croisière idéale pour regarder les habitants mener leur vie, partager signes amicaux et sourires, admirer les rizières, la flore et la faune. Utilisés pour le transport, le commerce des épices, du riz, du coir ou du coprah, les backwaters permirent le développement de toute la région. Il est facile d'y observer la vie locale, les habitants transportant le fruit de leur pêche, l'eau, leurs récoltes alors que les enfants partent à l'école en barque. Le fait que l'on puisse découvrir la vie quotidienne des populations au plus profond de leur intimité, sans retenue comme si nous étions derrière un écran Tv, peut nous mettre parfois mal à l'aise et y voir même un brin de voyeurisme lorsque nous passons à quelques mètres des indiennes lavant leur linge tout en faisant leur toilette. Dans ces instants de gêne, ou chacun s'ignore, la magie recherchée du partage n'opère plus. Parce que l'écosystème est très fragile, découvrir les backwaters dans la simplicité, dans le respect de la nature, des populations locales et de l’écosystème, sans tomber dans les pièges du tourisme de masse reste possible si on s'y prépare.
Si ont souhaite en explorer tout l'univers en seulement 24 heures, il faut privilégier les plus petites embarcations (1 à 2 chambres) et après avoir vérifié le détail du parcours proposé, négocié avec le capitaine un amarrage pour la nuit au plus près d'un village ou dans un lac (toute navigation étant interdite après 18h,  prévoir qu'on n'ai pas le temps de rentrer vers une zone d'amarrage touristique). La raison à notre proposition tient au fait que face à un millier de houseboats qui naviguent aux mêmes heures à la file indienne sur des canaux ressemblant à notre périphérique parisien, contraints à des sens de circulations, des interdictions, des obligations de parking pour la nuit, cette attraction magistralement orchestrée par des  businessmans, nous éloignent de toute forme d'exotisme initialement recherché.  
Alors que la lumière modifie le paysage selon l’heure de la journée, que le ciel et l'eau ne font plus qu'un, une mention spéciale est à donner pour la fin de l’après-midi, quand les couleurs se font de plus en plus chatoyantes et que le bruit du moteur diesel du bateau laisse place à celui des oiseaux, criquets et grenouilles.
Si vous avez réussi à suivre notre conseil, votre sympathique capitaine, accompagné de son cuisinier vous guiderons à travers les villages locaux où les habitants pêchent le poisson (vous pourrez ainsi agrémenter le repas du soir), cultivent le riz comme ils le font depuis des siècles. Le Kettuvalam (ou bateau cousu : les planches le constituant étaient reliées entre elles par une couture à l’aide de cordes de fibres de noix de coco) est une embarcation de transport traditionnelle (grosse péniche ou barge aux allures de sampans) aménagée pour accueillir des passagers avec le confort d'une suite d'hôtel (chambre, toilettes, douche, cuisine, salon).

Dès lors ou l'on s'aventure sur les petits canaux, loin du circuit du tourisme de masse et que l'on essaie d'être en ligne avec une forme de "Tourisme Responsable", il ne nous reste plus qu'a nous laisser glisser, sans bruit, en symbiose avec le piaillement des oiseaux, les chiens annonçant notre passage, les bruits des travaux ménagers, le linge battu contre les pierres, les enfants qui nous interpellent. Dans ces moments privilégiés, le capitaine me donne même la barre ... Des anecdotes viendront même pimenter notre expérience d'un jour, la découverte d'une terre inconnue. Après nous être risqué dans un canal bien trop petit pour notre bateau afin d'atteindre un petit village pour nous ravitailler en bières fraiches, avoir arraché l'unique ligne électrique qui allait plonger toutes les maisons dans la nuit noire, avant le coucher de soleil nous nous sommes amarrés sur le lac, non loin de la maison familiale du capitaine (hasard ou pas !). Après 6 heures de navigation, alors que la pénombre dévore peu à peu les paysages chatoyants qui nous ont accompagné toute la journée, que l'immensité du lac avec ses différents bruits qui s'en échappent apporte sa part de mystère, nous nous laissons aller à mesurer la chance que nous avions de vivre ces instants magiques autour d'un repas notamment composé de produits de la pêche du jour. Nous nous endormirons au seul murmure de l'eau ... 

Dès l'aube, la vie lacustre s'éveille et dans ce paysage idyllique, encore brumeux, c'est un bonheur de voir oiseaux, poissons, pêcheurs depuis notre douillette cabine. C'est vers 8 heures du matin que nous quitterons cet endroit pour regagner notre point de départ de la veille : Alappuzha. On ne se lasse pas de scruter les rives avec leurs petites maisons multicolores à l'ombre de palmiers et cocotiers, les rizières ou se cachent des milliers d'oiseaux, églises, écoles, toutes formes de commerces. Sur l'eau, au delà des gros houseboats, les villageois utilisent de plus modestes embarcations personnelles (pirogues, canoës, barques), le shikara ou le bateau-bus. En résumé, nous ne saurions que vous encourager à vous essayer à cette forme d'excursion éco responsable à bord d'un bateau privé, en évitant de tomber dans les pièges issus d'un tourisme de masse qui par ses exactions est en train de tuer à vitesse "Grand V", un écosystème très fragile et ou des tonnes de déchets viennent peu à peu à bout de la luxuriante végétation qui faisait la "Une" des revues touristiques ventant la beauté du kerala.
InDi

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