lundi 13 mai 2019

Un lâcher prise réussi à bord d'un bateau traditionnel au fil de l'eau du Gange

L'eau joue un rôle purificateur dans l'hindouisme, les berges des rivières et fleuves sont parfois aménagées de ghâts favorisant en toute sécurité l'immersion dans leurs eaux. Toujours en quête de découverte des sept fleuves indiens considérés comme sacrés, après avoir parcouru dans le sud, la Godâvarî et la Kâverî, ce sont le Gange, la Yamunâ, la mythique Sarasvatî qui ont occupé nos journées lors d'un périple sur mesure en avril 2019. Pour notre première expérience de vie sur le Gange à bord d'un bateau traditionnel, nous avions choisi de relier Allahabad à Vanarasi (Bénarès) uniquement à la rame, en accord avec les éléments et sans pollution sonore. En compagnie de Deepak Sahani (le capitaine), d'un cuisinier (Rajesh) et de deux rameurs, allongés sur le pont supérieur, nuit et jour nous avons pu sans bruits observer les nombreux oiseaux ainsi que les dauphins, nous réveiller et endormir aux seuls bruits de la nature, ressentir et vivre l'Inde authentique telle que nous la parcourons depuis une 20e d'années. Loin du tourisme de masse, des sollicitations permanentes, des foules, de la circulation anarchique et polluante des grandes métropoles indiennes, nous vous proposons ce circuit d'une 100e de kms parmi les paysages ruraux de l'unique État de l'Uttar Pradesh. Si comme en d’autres lieux en Inde le lâcher-prise doit être de rigueur pour une optimale immersion, il n’en sera que plus facile dans cette partie de l’Inde ou les populations que nous avons rencontrées y sont tout particulièrement accueillantes pour le voyageurs curieux et respectueux des us et coutumes. Vous resterez fasciné par ces regards énigmatiques et perçants éclairant des visages sombres découvrant ces deux occidentaux que le fleuve leur amenait. Cette partie de l'inde a gardé toute son authenticité, de beaux exemples de biodiversité pour se ressourcer grâce à la présence d’une faune sauvage pleine de surprises (oiseaux migrateurs, chacals, dauphins). Ce périple, d'Allahabad à Bénarès, nous a confronté à l’Inde spirituelle traditionnelle qui souvent surprend les occidentaux que nous sommes par ses excès avec son côté inclusif dans le quotidien et dont la visite de certains lieux sacrés livrent les secrets de sa longévité religieuse, puisque pratiquée depuis 3500 ans de la même manière. Un très grand merci pour la gentillesse de Deepak, batelier de père en fils ainsi qu'à Rajesh qui à quotidiennement mis en valeur une cuisine locale, authentique, spécialement préparée à bord à partir des légumes, poissons et poulets achetés au fil de l'eau sur les bords du fleuve.

Jour 1 : ALLAHABAD

Si plusieurs centres d’intérêts peuvent attirer le voyageur à Allahabad dans l'Uttar Pradesh (la ville de Brahma), nous en retiendrons à minima deux : la rencontre des 3 fleuves sacrés et la maison familiale de Nerhu. C'est l'une des villes les plus anciennes du pays qui de par une légende la met au rand des villes saintes prioritaires pour un indou. La légende dit qu'alors ou les dieux régnaient sur la Terre, naviguait un vaisseau transportant un vase (kumbh) contenant l'élixir d'immortalité. Garuda, la monture de Vishnou le déroba et dans sa fuite dans le ciel perdit 4 gouttes d’élixir donnant naissance à 4 villes dont Allahabad. Depuis, un festival, la Khumb Mela, alternativement a lieu tous les 12 ans. Entre temps, à mi-parcours (mars 2019) à eu lieu une Ardh Kumbh Mela qui a rassemblé 30 millions de pèlerins, une sorte de répétition. Hors période de la Khumb Mela (qui rassemble tous les 12 ans jusqu'à 100 millions de pèlerins en 3 mois), à l'instar d'Agra (dans l'Uttar Pradesh) ou des sites de Khajurâho (au Madhya - Pradesh), la ville semble paisible et dépourvue de toute affluence touristique occidentale. Tout comme le font les pèlerins, au delà de nous être baignés au confluent des 3 rivières (ou aussi une partie des cendres de Gandhi furent dispersées), nous y avons visité les abords du fort (car la citadelle est en service) construit par l'empereur Akbar au 16e siècle et le temple souterrain "Patal Puri Temple". Même si on ne peut pénétrer dans le fort du 11e siècle, on peut atteindre le temple souterrain ou de par un labyrinthe de piliers on croise de très nombreuses divinités multicolores. La visite se termine au pied d'un banian immortel, réputé imputrescible.
Dans la ville, parmi les incontournables une halte s'impose dans les jardins moghols de Khusru Bagh ou s'élèvent 3 magnifiques mausolées. Si la ville arbore encore de nombreux bâtiments coloniaux en très bon état de conservation (par exemple ceux de la Haute Cour et de l'Université), nous avons été saisis et conquis par All Saints Cathedral, consacrée en 1887. Le musée d'Allahabad possède de magnifiques collections d'antiquité bouddhiques et indoues de la période Gupta (une dynastie qui régna du 3e au 6e siècle) : vu la richesse des collections et sa taille, un bon guide s'impose ! Enfin, l'incontournable à Allahabad, c'est la visite de l'Anand Bhavan, la maison de la famille Nehru-Gandhi, aujourd'hui transformée en musée abritant les affaires personnelles, le mobilier et les photos de l'illustre famille.
En matière d'hébergement, nous avions choisi une guest house : Kanchan Villa Homestay. Du chic, du charme au calme en partageant d'agréables moments, notamment lors des repas avec une famille adorable.

Jour 2 : MIRZAPUR/BHATAULI

En ce mois d'avril 2019, les eaux du Gange étant très basses, afin de poursuivre notre parcours bucolique à bord de notre petit bateau privatisé pour l'occasion, nous avons dû rejoindre Mirzapur depuis Allahabad par la route pour embarquer (trajet en rouge sur la carte). Par contre, nous enrichirons notre immersion dans l'Inde rurale au fil de l'eau, en nous arrêtant pour nos ravitaillements en viande, légumes dans les villages et villes qui longent le fleuve.
Loin de la saison des pluies, le fleuve fortement rétréci reste difficile à la navigation dès lors on ne possède pas de moteur; le courant et la brise de face mettant à rude épreuve l'expérience de nos rameurs. Seul pendant les moments de forte chaleur la brise faiblit et laisse ainsi la liberté à notre capitaine de conduire l'embarcation selon sa volonté. C'est ainsi qu'au rythme des opportunités favorables à la navigation, en totale symbiose avec la nature que nous nous rapprocherons de Vanarasi. Pour nous, une obsession, approcher les dauphins d'Inde dont son habitat se limite principalement à deux rivières : le Gange et le Brahmapoutre. Pour nous qui allons pendant plusieurs jours vivre sur le Gange, nous y baigner, nous nourrir de la pêche, la présence de cette espèce de dauphin d'eau douce reste le meilleur indicateur de santé du fleuve.

Le fleuve en sa saison sèche ne s'appréhende pas comme en période des pluies, offrant aux autochtones des solutions de vie très différentes. Le cours d'eau en ce mois d'avril laisse apparaitre de véritables plages de sable ou îles faites de vase amoncelée devenant de véritables pièges pour la navigation mais lieux de refuge pour amarrer le bateau pour la nuit.
Les rives ayant recueilli le limon transporté par le fleuve deviennent hors saison des pluies des terres maraichères facilement irrigables et prometteuses en produits de première nécessité (fruits et légumes)
.
C'est ainsi que s'étale sur ces lieux d'apparence aride un épais manteau de verdure et de fleurs.
Il est clair que chaque crue du Gange remodèle ce paysage d'apparence paisible en cette saison.
Si en période sèche ce fleuve sinueux aux nombreux méandres avec ses quelques 100e de mètres de largeur  est d'apparence paisible, il en est tout autre chose en période des pluies ou son lit varie de 1 à 2 kilomètres (allant parfois même jusqu'à 10). 

Jour 3 : BHATAULI/CHUNAR

La vie au bord du Gange est un spectacle permanent car sur ces berges éphémères, au delà des villageois accompagnant leurs troupeaux de buffles ou des pêcheurs, des millions d'espèces d'oiseaux fouillent la vase. Privilégiant l’accostage de ces terres vierges, loin des villages en surplomb du fleuve, c'est des hérons gris entourés de multiples espèces d'échassiers, d'aigrettes, d'ibis, de grues, d'hirondelles du Népal,de barbu à gorge bleue, de cormorans et de martins-pêcheurs qui nous accompagnent de leurs chants pour la nuit.
Ces arrêts sur ces îles éphémères restent un plus à nos nuits enrichies de bruits étranges, de cris inconnus comme le hurlement d'un chacal, de sons musicaux provenant du village tout proche, ajoutant un charme mystérieux à cette immersion sur mesure.
A chaque coucher de soleil, nous jetons donc l'ancre sur des îlots avec l'espoir d'une prompte et heureuse soirée à la lueur de la lune accompagnée de bruits mystérieux et lueurs dans la nuit indiquant une crémation. Dépourvus de toute source électrique, nous vivons au rythme du soleil qui se lève vers 5h30 et se couche vers 18h00, en totale symbiose avec la nature.

A chacun de nos arrêts c'est une surprise pour les populations du fleuve, un accueil chaleureux en priorité par les enfants et enfin les populations peu habituées à rencontrer des touristes occidentaux dans leur village. Le temps de recharger nos portables et lampes chez un commerçant ou une famille bienveillante, nous visitons les lieux et pallions au ravitaillement en produits frais (fruits, légumes, viande) nécessaires aux repas à venir. Chunar, notre deuxième village cible dont le vieux fort médiéval tel une vigie surplombe le fleuve, reste à nos yeux une ville très colorée, riche par la diversité de ses petits temples et agréable de par l'accueil démonstratif de ses habitants pour un arrêt de quelques heures.

Jour 4 : CHUNAR/SULTANKESHWAR TEMPLE

Sur notre bateau plein de charme que Ganga Boat Ride & Cruise nous a mis à disposition, au gré du courant nous poursuivons l'observation de nombreuses espèces d'oiseaux migrateurs, des antilopes d’Asie, des dauphins et des villageois vaquant à leurs tâches quotidiennes, notamment au lever du soleil, quand les nappes de brume s’évaporent au dessus du fleuve. Le Gange, le fleuve"mère" de plus de 2500 km de long, considéré comme le plus pollué du monde reste une source de prospérité économique au fil de son parcours, il est une ligne de vie et révélateur des fondements de vénération religieuse pour tout indouiste. Cette lente navigation en harmonie avec la nature, à la seule force des bras de nos rameurs sur les eaux sacrées du Gange est pour nous une marche progressive et sensorielle vers un monde proche de l’indéfinissable dans un bain d’images impérissables. Bien que familier de l'Inde puis plus de 20 ans, c'est la première fois que nous ressentons en toute sérénité un tel agréable dépaysement.

Jour 5 : SULTANKESHWAR TEMPLE/VANARASI (BÉNARÈS)

Après avoir dormi sur la rive d'une île fluviale éphémère, opposée a Madhopur, le village abritant le Sultankeshwar Temple, avant de poursuivre notre périple vers Bénarès, accompagné de milliers de pèlerins nous visitons le temple pour une puja ainsi que les échoppes de la rue principale proposant tissus multicolores, objets et diverses offrandes.
L'arrivée à Vanarasi par le fleuve est magique, alors que sur la droite on passe devant le palais du maharaja de Vanarasi, on voit se dessiner sur la gauche, Bénarès et ses 7 kms de ghâts au pied de nombreux palais de maharajas alimentant bon nombre des fantasmes des candidats à la visite de cette ville, n'y ayant vu comme attraction principale que les crémations quotidiennes. Aucune autre ville en Inde est comparable à Vanarasi considérée comme l'une des plus anciennes du monde.
Elle a toujours été considérée comme le lieu sacré incontournable de l'indouisme, comme le Vatican peut l'être pour les catholiques ou la Mecque pour les musulmans. Bénarès est au voyageur une révélation par laquelle il peut découvrir la mentalité indienne, la puissance de la religion avec son impact sur son mode de vie et de pensée. Dans une ambiance ou la mort fait partie de la vie, un conseil : pour tout adepte du "non lâcher prise", s'abstenir ! Il faut prendre le temps de s'assoir face au fleuve, d'apprendre pour comprendre, de regarder (même les crémations), de parcourir le dédale de venelles étroites, d'observer la vie humaine sans juger, même lorsque vous croiserez l'impossible. Le propre d'une immersion réussie à Vanarasi impose au voyageur un abandon des codes du modèle occidental, une pause pour sentir, voir, gouter à cette ambiance unique que seule l'énergie de Ganga reflète. Assis sur les ghâts, nous ne saurions alors vous conseiller de participer au Ganga Aarti, un puissant rituel spirituel, édifiant, voire exaltant et qui inscrira à tout jamais dans la mémoire du voyageur son passage à Vanarasi.
Le Ganga Aarti, un son et lumière, une cérémonie très chorégraphiée, effectuée à chaque coucher et lever de soleil sur les rives du Gange en présence de plusieurs milliers de dévots. Il est donné sur une scène par un groupe de 7 jeunes pandits, tous vêtus de longue tenue de couleur safran. Si les rituels s'ouvrent par la musique cérémonielle typique d'une conque, les 7 tableaux qui s'ensuivent se font avec des chants rythmés par la musique et tintement des cymbales. Les brahmanes dans une chorégraphie millimétrée exécutent des tableaux élaborés en forme d'offrandes de lumière à la gloire de Srî Mahâ Ganga (Mère Ganga), tant pour son réveil que son coucher quotidien. Bien que la visite de Vanarasi fasse l'objet d'une brève dédiée, nous y avons visité à pied et en barque une bonne partie des ghats (du lever au coucher de soleil), nous avons approché le temple d'Or interdit aux non indous, nous nous sommes baladés dans les venelles étroites ou par un vaste plan de réhabilitation le gouvernement fait détruire les maisons et immeubles qui au fil des siècles avaient dissimulé des 100e de temples.
Nous avons visité aussi le Durga Temple, coloré de rouge et de blanc, considéré comme un des plus anciens de la ville. Profitant de notre présence à Bénarès, nous en avons profité pour nous rendre sur le site archéologique de la cité bouddhiste de Sârnâth, à une douzaine de km au nord de la ville. Le lieu ou le Bouddha prononça son premier sermon après avoir reçu l'Illumination est aujourd'hui composé de ruines de bâtiments construits entre les règnes d'Ashoka (3e siècle av.JC) et d'Akbar, et un musée qui expose des sculptures tant hindoues que bouddhistes prélevées lors des fouilles.
En matière d'hébergement, nous avions choisi l'hôtel Ganges View, autrefois une maison privée, converti en hôtel de charme en 1990. Recréant l'atmosphère d'une temps passé, l'hôtel est devenu un point de rencontre pour des artistes, des auteurs et des savants au cours des années. Au pied des ghats, à Assi Ghat, Varanasi, Uttar Pradesh, en amont de la ville, c'est à la fois un havre de paix mais aussi le point de départ de nos visites tout comme le point d’accostage de notre bateau croisière ...
Si vous souhaitez découvrir notre partenaire Ganga Boat Ride & Cruise qui nous à permis de réaliser cette expérience unique, rendez-vous sur notre rubrique "coup de cœur". 
InDi

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