dimanche 16 juin 2019

Rencontre avec une foule éprise de spiritualité sur les ghâts de Vanarasi

L'Inde reste une terre de contraste, n'est jamais celle qu'on croit et en est ainsi plus fascinante que jamais. Elle est souvent indéfinissable parce qu'à la fois symbole du bonheur, de la misère, de la religion, des excès, de la pureté, de la douceur, de l'intolérance, des inégalités et tout cela réuni dans un seul endroit. Vanarasi (Bénarès) n'échappe pas à la règle et en fait ainsi une ville unique, incomparable avec aucune autre. En provenance d'Allahabad, après 4 jours de navigation sur le Gange, l'arrivée à Vanarasi pour la première fois par le fleuve est magique, notamment au lever du soleil quand les nappes de brume s’évaporent au dessus du fleuve, laissant apparaitre sur la droite le palais du maharaja de Vanarasi, puis se dessiner en aval sur la gauche, la ville et ses 7 kms de ghâts au pied de nombreux palais de maharajas. Bénarès et notamment ses ghâts au pied d'immenses constructions ancestrales aux couleurs ocres, semblant former un rempart surplombant le fleuve"mère", alimentent encore bon nombre de fantasmes des candidats à la visite de cette ville, n'y ayant vu comme attraction principale que les crémations quotidiennes. Aucune autre ville en Inde est comparable à Vanarasi considérée comme l'une des plus anciennes du monde. Elle a toujours été considérée comme le lieu sacré incontournable de l'indouisme, comme le Vatican peut l'être pour les catholiques ou la Mecque pour les musulmans.
L'ancienne Bénarès est au voyageur une révélation par laquelle il peut découvrir la mentalité indienne, la puissance de la religion avec son impact sur son mode de vie et de pensée. Dans une ambiance ou la mort fait partie de la vie, un conseil : pour tout adepte du "non lâcher prise", s'abstenir ! Il faut prendre le temps de s'assoir face au fleuve, d'apprendre pour comprendre, de regarder (même les crémations), de parcourir le dédale de venelles étroites, d'observer la vie humaine sans juger, même lorsque vous croiserez l'impossible. Le propre d'une immersion réussie à Vanarasi impose au voyageur un abandon des codes du modèle occidental, une pause pour sentir, voir, gouter à cette ambiance unique que seule l'énergie de Ganga reflète.
A Bénarès on est pris par le spectacle humain qui se déroule à toute heure du jour et de la nuit sur les Ghâts ou se côtoient les enfants qui jouent, les barbiers, commerçants, pèlerins et nombreux sâdhus : tout cela parmi les vaches, chèvres, chiens et singes. Sur une des plateformes ou des bûchers en sont à des stades différents, un défunt enveloppé d'un tissu, posé sur un brancard, couvert de fleurs de saison attend d'être plongé dans le Gange et arrosé de "ghee". Dans cette ville ou l'on dit que le feu ne s'est jamais éteint depuis que la ville est ville, sur le ghât ou nous sommes assis, se déroule devant nous, en toute transparence le cycle de la vie, de la mort en "live". Soucieux d'en décrypter tous les codes, notre voisin nous explique les différentes phases de la crémation (3 à 4 heures pour un corps) : la famille versant l'eau du Gange dans la bouche du défunt, la mise en feu du bûcher par le fils ainé vêtu de blanc et qui s'est rasé la tête pour l'occasion, le même qui fera éclater le crâne au bout de quelques heures afin que l'âme s'en échappe (cette dernière entrant et sortant par la fontanelle).

C'est aussi là, alors que nous regardions se consumer quelques corps, que l'expression "Il faut apprendre pour comprendre !" prit tout son sens. Alors que nous nous interrogions sur la disparité des cérémonies auxquelles nous assistions, toujours notre voisin nous tînt le message suivant : la vie des Hommes se divisent en 4 : 
- de 1 à 25 ans : profite de ta vie
- de 25 à 50 ans : bâti ta vie, marie-toi, ait une famille, trouve toi un bon job
- de 50 à 75 ans : transmet ton savoir, tes biens,
- de 75 à 100 ans : trouve et gagne toi le paradis, recherche en toi tout ce qu'il a de bon et fait en sorte de casser le cycle de la réincarnation en atteignant
la moshka, la libération. Tel le parcours que font certains vieux éléphants pour rejoindre leur futur cimetière, à Vanarasi, on rencontre de nombreuses personnes ayant fait leur dernier voyage en accord avec leur familles pour mourir seuls dans la ville sainte et donc y être brûlé sans grande cérémonie, sans personne pour les accompagner le temps de la crémation et de la dispersion des cendres dans le Gange . Toujours assis sur les ghâts, nous ne saurions alors vous conseiller de participer au Ganga Aarti, un puissant rituel spirituel, édifiant, voire exaltant et qui inscrira à tout jamais dans la mémoire du voyageur son passage à Vanarasi.
Le Ganga Aarti, c'est un son et lumière, une cérémonie très chorégraphiée, effectuée à chaque coucher et lever de soleil sur les rives du Gange en présence de plusieurs milliers de dévots. Il est donné sur une scène par un groupe de 7 jeunes pandits, tous vêtus de longue tenue de couleur safran. Si les rituels s'ouvrent par la musique cérémonielle typique d'une conque, les 7 tableaux qui s'ensuivent se font avec des chants rythmés par la musique et tintement des cymbales. Les brahmanes dans une chorégraphie millimétrée exécutent des tableaux élaborés en forme d'offrandes de lumière à la gloire de Srî Mahâ Ganga (Mère Ganga), tant pour son réveil que son coucher quotidien. Au détour de vos balades à pied sur les ghâts, vous entendrez des "Good price for you Sir" comme invitation à louer les services d'un batelier pour à l'aurore assister au réveil du fleuve depuis le bateau, ou vous serez aux premières loges pour un spectacle ininterrompu. Ainsi, nous y avons  comme des millions de pèlerins visité à pied et en barque une bonne partie des ghâts (du lever au coucher de soleil).
A Vanarasi nous avons aussi approché le temple d'Or interdit aux non indous, et nous sommes baladés dans les venelles étroites ou par un vaste plan de réhabilitation le gouvernement fait détruire les maisons et immeubles qui au fil des siècles avaient dissimulé des 100e de temples.
Nous aussi avons visité le Durga Temple, coloré de rouge et de blanc, considéré comme un des plus anciens de la ville. Profitant de notre présence à Bénarès, nous en avons profité pour nous rendre sur le site archéologique de la cité bouddhiste de Sârnâth, à une douzaine de km au nord de la ville. Le lieu ou le Bouddha prononça son premier sermon après avoir reçu l'Illumination est aujourd'hui composé de ruines de bâtiments construits entre les règnes d'Ashoka (3e siècle av.JC) et d'Akbar, et un musée qui expose des sculptures tant hindoues que bouddhistes prélevées lors des fouilles.

En matière d'hébergement, nous avions choisi l'hôtel Ganges View, autrefois une maison privée, converti en hôtel de charme en 1990. Recréant l'atmosphère d'une temps passé, l'hôtel est devenu un point de rencontre pour des artistes, des auteurs et des savants au cours des années. Au pied des ghats, à Assi Ghat, Varanasi,  en amont de la ville, c'est à la fois un havre de paix mais aussi le point de départ de nos visites ...
Au risque de nous répéter, Vanarasi reste une ville qui ne ressemble à aucune autre ville, irréelle, procurant un dépaysement absolu pour le voyageur occidental, même s'il n'y reste que 48 heures ... Les ghats de Varanasi sont un véritable lieu de vie et donc un lieu d’observation idéal pour le voyageur. Si habituellement l’Inde ne laisse personne indifférent, qu'on en repart souvent en ayant détesté ou adoré, Bénarès ne déroge pas à la règle, bien au contraire !

Alors, bien vivre son passage à Vanarasi impose au voyageur un abandon de sa zone de confort, de ses repères, des codes du modèle occidental, de tout jugement et comparaison avec le monde d'où l'on vient. Osez imaginer que vous rentrez dans un monde imaginaire qui vous est totalement inconnu, comme si vous aviez eu le moyen de remonter le temps pour vivre ne serait-ce que 48 heures plusieurs centaines d'années en arrière : vous direz alors "waooh" et ne retiendrez que du positif et surtout rien de choquant de votre visite de Bénarès.

InDi
 

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