mercredi 23 janvier 2019

Est-ce la lecture du Ramayana qui nous a conduit à Rameshwaram ou la quête du lacher prise absolu ...

Parce que le Râmâyana reste parmi l'épopée mythologique hindoue le texte fondamental de l'hindouisme, il a suscité en nous cette envie d'aller à la rencontre des points d’étapes qu'ont marqué l'exil de Râma et Sitâ, soit un voyage du nord au sud de l'Inde, d'Ayodhya à Rameshwaram. Cette épopée, si vous ne la connaissez pas encore, raconte la naissance de Râma, septième avatar de Vishnou, son union avec Sitâ, l'enlèvement de cette dernière puis sa délivrance des mains du roi démoniaque Ravana de Lanka depuis Rameshwaram avec l'aide d'Hanuman et le retour de Rama sur le trône. Sur les traces des pieds de Râma, afin de fouler à notre tour cette terre sacrée comme le font les indiens par millions, nous nous rendons comme à chaque fois que nous sommes dans le sud du Tamil Nadu, sur l'île de  Rameshwaram reliée au continent par un viaduc ferroviaire et le pont Indira-Gandhi, l'une des prouesses de la technologie indienne, inauguré par Rajiv Gandhi en 1988. Lieu hors du temps, surnommé la Bénarès du Sud, c'est l'une des sept villes saintes de la religion Hindouiste. C'est ici que Râma est censé avoir vénéré Shiva pour être absous du péché de meurtre du démon Ravana (en fait, arrière petit-fils d'un brahmane descendant de Brahma). L'île en son extrémité, n'étant qu'à 18 kms du Sri Lanka, la construction d'un pont entre l'Inde et Ceylan pour sauver Sitâ des griffes de Râvana avec l'aide du dieu singe Hanumân prend alors tout son sens. Dès notre arrivée, premières visites des lieux en autorickshow pour après l'ascension de la colline où s'élève le petit temple Ghanda Madhana Parvatan assister au coucher de soleil sur la côte Est du Tamil Nadu. On y voit l'empreinte d'un pied du dieu Rama, l'un des avatars de Vishnu. A 3 km de la ville, il offre un beau panorama sur les environs et la brise y est agréable lorsqu'on vient de traverser les plaines chaudes du Tamil Nadu. Les hindous disent que tout pèlerin qui s'est rendu à Bénarès se doit, au moins une fois dans sa vie, d'aller également à Rameshwaram, et réciproquement. Rameshwaram reste donc un important centre de pèlerinage et les pèlerins qui traversent l'Inde ont pour habitude de ramener de l'eau du Gange pour la déverser en ce lieu sacré (et vice versa).
Assis sur les ghâts, face à l'océan et aux côtes sri-lankaises, nous regardons des heures entières une foule pleine de dévotion s'immergeant en famille dans les eaux sacrées, abandonnant leurs vieux vêtements souillés pour en revêtir de nouveaux avant de se précipiter au temple Ramanathaswamy. Cette partie de la ville que nous affectionnons grouille de vie et de couleurs venues de tout le pays. Dans le brouhaha fait de cris et de prières proposées par les brahmanes aux pèlerins, de processions, nous nous laissons envahir par une forme d'exubérance de bruits et senteurs, nous faisant oublier toute notion du temps qui passe, nous conduisant à un bien-être, à un lâcher-prise total, voire à perdre nos repères telle une anesthésie générale. Dès l'apparition du soleil, Shivaïstes et Visnouïstes, pour notre plus grand plaisir, se rassemblent en familles sur cette plage pour toutes sortes de rituels et prières avant de se diriger vers le temple. C'est donc dès le matin, sur les ghâts,que nous partagerons l'incroyable ferveur religieuse des pèlerins avant la découverte de l'immense temple de Ramanathaswamy.
Il faut à minima une journée dédié à la visite de la ville, de l'île et ses environs, si vous restez maitre du temps. Le choix de ce lieu pour adorer le dieux Shiva est relaté dans une légende qui explique que pour se faire pardonner du meurtre du démon Ravana, Râma voulu élever un sanctuaire. Pour cela, il demanda à Hanuman, le dieux singe, de ramener un lingam (symbole de Shiva) du Mont Kailash. Mais comme ce dernier tardait à accomplir sa mission et que la période astrologique favorable à l'installation du symbole passait, Sîta créa un lingam avec du sable (principe identique à Kanchipuram ou c'est Parvati qui réalisa le lingam). Lorsque Hanuman revint avec le lingam et qu'il vit celui réalisé par Sîta avec du sable (les pèlerins en font autant aujourd'hui sur les ghâts), il fut vexé. Pour le consoler, Râma ordonna que tous les rituels seraient effectués en premier sur le lingam ramené par Hanuman et cette tradition perdure encore au sein du temple de Ramanathaswamy. Lors de la visite du temple de Ramanathaswamy, l'un des sanctuaires majeurs de l'Inde du Sud, on est frappé par ce superbe exemple de l'architecture dravidienne tardive, renommé pour ses quatre splendides corridors bordés de colonnes finement sculptées. Les fidèles attribuent des vertus particulières aux 22 theertham (bassins), où ils se baignent, y boivent l'eau et en ramènent.
Il ne faut pas oublier de visiter le temple de Kothandaramaswamy dédié à Râma, situé à la pointe extrême de l'île. Il résista à la violence terrible du cyclone de 1964 qui détruisit la ville de Dhanushkodi (le tsunami de 2004 y rasant les derniers vestiges), aujourd'hui abandonnée et faisant figure de ville fantôme envahie par des marchands ambulants. 
Mais une balade sur le sable blanc en cette extrémité de terre, nous apporte loin du tumulte des villes les conditions idéales pour revisiter le Ramayana et l'épisode ou Hanouman vole au secours de Sitâ sur l'ile de Ceylan. Les îlots de sable blanc qui subsistes, aux yeux des hindous constituent les vestiges du pont construit par Hanuman et son armée de singes pour permettre à Râma de traverser. Entourée par la mer, sa situation qualifiée de destination du bout du monde, aujourd'hui accessible par une route est une véritable attraction touristique (pèlerins indiens en majorité). Les paysages y sont fantastiques : dunes, huttes en feuilles de palme, sable fin, aigles et mer turquoise ...
Nous clôturons à chaque fois ce magnifique voyage dans le Râmâyana par un arrêt dans le port de pêche afin d'avoir une dernière vue du grand temple depuis la mer. Vous l'aurez compris, dans cette ville peu touristique, il y règne une atmosphère de petit Bénarès du sud, sans les crémations publiques! Tout hindou souhaite y prier, s'y purifier au moins une fois dans sa vie, simplement parce que Râma y est allé aussi s'y purifier du meurtre de Ravana qui lui avait volé son épouse. Comme à chaque fois, c'est avec regret que nous quittons ce magnifique site que nous affectionnons tout particulièrement, qui nous invite à l'évasion, au rêve...
InDi

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